Charles O’Hara de Nieuwerkerke (1785-1864), officiér (père d’Émilien)

1re image: Soirée; 2e: caricature Giraud (1851); 3e: dessin par Heim (?)(c.1820)

Charles O’Hara Nieuwerkerke, père d’Émilien de Nieuwerkerke16, naquit à Lyon en 1789. Il était l’un des deux fils de Willem Hendrik (également connu sous le nom de Guillaume-Henry) van Nieuwkerk, lui-même fils illégitime du stathouder Guillaume IV d’Orange. Willem Hendrik fut opportunément éloigné des Pays-Bas, occupant le poste de vice-consul au Maroc de 1783 à 1793, et brièvement celui de consul intérimaire entre 1855 et 1856.

Le prénom de Charles, enrichi du patronyme “O’Hara”, rend hommage au général anglais Charles O’Hara, qui participa à la guerre d’indépendance américaine dès son arrivée à Sandy Hook (New Jersey) en 1778, et représenta l’armée britannique lors du dîner de reddition en présence de George Washington. De retour en Europe, le général dut fuir l’Angleterre pour échapper à ses dettes de jeu, avant de mener une vie mondaine dans les cercles aristocratiques de Paris et Rome. Il fut ensuite nommé gouverneur de Gibraltar.

Séduisant et spirituel, le général O’Hara procéda à l’enregistrement officiel du jeune Charles, en l’absence du père, Willem Hendrik, alors en poste à Larache, près de Tanger. Le fait que l’enfant ne porte aucun des prénoms de son père alimenta certaines spéculations quant à sa filiation biologique — peut-être une réitération discrète des habitudes du stathouder. Cela dit, le prénom Charles était également présent dans la lignée maternelle.

À l’opposé de son frère aîné Guillaume de Nieuwerkerke08, diplômé de l’École polytechnique et officier de cavalerie, Charles préférait les plaisirs des salons parisiens, où son élégance et ses manières faisaient merveille. C’est dans cet univers qu’il rencontra à 21 ans Louise-Albertine de Vassan (1790–1854), jeune femme de haute société et cousine du comte Horace de Viel-Castel. Le couple tomba amoureux et Charles réussit à la conquérir de sa famille. On la maria avec une certaine hâte, le 27 octobre 1810 : leur fils Alfred-Émilien vit le jour cinq mois plus tard.

Comme son grand-père avant lui, le petit Émilien naquit alors que son père était absent — cette fois en voyage — dans la modeste demeure d’un obstétricien du quartier populaire Saint-Martin à Paris. Il fut enregistré deux jours plus tard par un jeune pâtissier et un instituteur.

Château Nieuwerkerke/ Vassan Villiers-Saint-Denis

Charles profita largement du renom et de la fortune de ses beaux-parents. Grâce à ces alliances, il devint lieutenant de la garde nationale montée, puis chambellan du roi Charles X.

À la mort de la tante de son épouse, issue de la famille de Vassan, le couple hérita de son château à Villiers-du-Marne (aujourd’hui Villiers-Saint-Denis), actuellement reconverti en hôpital.

C'est dans ce château, niché à l'extrémité occidentale de la Champagne, un vin déjà synonyme de luxe à l'époque, que le futur intendant des musées impériaux et parisiens, soutenu par le raffinement social de Charles, devint la personne pétillante qui le dirigea vers une brillante carrière de « dieu-empereur » du Louvre.

Malgré ses nombreuses mondanités, Charles était un homme de famille attentionné. Il rendit visite à son fils Émilien au Louvre le mardi 11 février 1851, alors fiévreux. Il participa également aux vendredi-soirées des 21 mars et 4 avril, et assista à une après-soirée dans l’atelier de Viel-Castel, où Eugène Giraud11 — sans doute fidèle à son cigare — exécuta sa caricature. Le fait d'être le père d'Émilien lui vaut une place légèrement plus importante dans Une Soirée au Louvre que son oncle08, dont le visage est partiellement caché derrière Visconti09.

Dévoué à son épouse, il l’accompagna durant sa maladie. Son décès, survenu fin novembre 1854, entraîna une interruption temporaire des vendredi-soirées, qui ne reprirent que l’année suivante.