Hippolyte Flandrin (1809 – 1864), peintre
1re image: Soirée; 2e: photo Daguerre (1848); 3e: autoportrait (1853); 4e: Ingres39 (1855); 5e: Heim28b (1856); 6e: photo Reutlinger (1860). Remarque : photo Daguerre 2 est inversée pour correspondre à la ligne des cheveux et aux yeux.
Note: Le fait que Flandrin soit représenté de trois quarts, rend presque certaine l’idée qu’il ne posa pas et que Biard36 s’appuya sur des sources gravées. Dès sa naissance, Flandrin souffrait d’un strabisme de l’œil droit tourné vers l’intérieur ; après une opération infructueuse en 1841 la déviation s'aggrava. Presque tous ses autoportraits, ses portraits doubles avec son frère Paul et photographies le montrent de profil (masquant son œil droit comme sur l'image 3), ou la joue droite tournée vers le spectateur.
Au milieu des aristocrates mondains dans Une Soirée occupés aux divertissements, à la politique et aux courtisanes se tient le peintre intense et profondément religieux Jean Hippolyte Flandrin.
Flandrin se sentait mal à l’aise lors de soirées telles que celles organisées par le comte de Nieuwerkerke16. Plus d’une fois il écrivit dans ses lettres qu’il était gêné par ses habits (portant une casquette) et ses manières. Il porte la rosette d’officier de la Légion d’honneur, reçue le 12 août 1853 en récompense de ses peintures murales à l’église Saint-Vincent-de-Paul.
Soutenu par Ingres et d’autres amis, il fut élu le lendemain à l’Académie des Beaux-Arts, obtenant six fois plus de voix que candidat Delacroix10, qui dut attendre encore quatre ans pour cette distinction. Ces honneurs expliquent la renommée et la présence de Flandrin à une vendredi-soirée. Il participa vraisemblablement peu après la réouverture des soirées le 9 décembre de cette année-là ; le conservateur Viel-Castel43 signala sa présence dans Le Constitutionnel du 22 janvier 1854.
Flandrin fut lauréat du Prix de Rome (outre Ingres, parmi les autres figures d’Une Soirée figurent Pradier03, Duban60, et Gounod70b), ce qui lui permit cinq années de séjour à Rome (1833–1838), d’abord sous Horace Vernet31, puis, à partir de 1835, sous la direction d’Ingres. Malgré des maladies fréquentes et une vue déclinante, il apprécia l’environnement culturel de la ville et inspira ses confrères par sa passion et sa sincérité.
avec le baron Armand Mackay (17 mai 1858)
De retour à Paris —avec de fréquentes visites à sa ville natale, Lyon, où il exposait également aux Salons— les commandes affluèrent, surtout après son portrait saisissant de Madame Oudiné (1840), qui lui valut « dix fois plus d’attention que l’année précédente ».
Son portrait de Cécile Delessert (future comtesse de Nadaillac) en 1842 lui rapporta 3 000 francs et, par la proximité de Cécile avec Eugénie de Montijo (future impératrice), augmenta sensiblement sa clientèle. Les portraits de belles femmes peints par Flandrin présentent de nombreuses affinités avec ceux d’Amaury-Duval44b, autre élève d’Ingres ; la distinction essentielle réside dans le fait que Flandrin sut mieux les vendre et les placer.
Le portrait de Chaix d’Est-Ange06 par Flandrin en 1845, si imposant qu’il dut être introduit par le toit, fut son dernier pas vers la renommée. En 1847, il écrivait à son frère Paul : « Quant aux commandes, je suis débordé. Si j’avais dix bras ! »
Baudelaire proposa une lecture différente : « [Il] a manqué dans le portrait de M. Chaix-d’Est-Ange. Ce n’est que la ressemblance de la peinture sérieuse ; cela ne saisit pas le caractère bien connu de ce personnage raffiné, mordant, ironique. C’est lourd et terne. »
À cette époque, Flandrin avait déjà réalisé les peintures murales de l’église Saint-Paul à Nîmes (récemment gravement endommagées par les pluies) et de Saint-Germain-des-Prés (1846) à Paris. Son travail à Saint-Vincent-de-Paul à Paris, commandé pendant la période haussmannienne07, commença en 1849 et dura quatre ans.
Hippolyte et son frère Paul étaient très proches et s’envoyaient fréquemment des lettres lorsqu’ils étaient séparés. Dès 1857, Hippolyte conseillait à Paul de « vous laisser aller, de vous livrer à vos impressions, de peindre davantage comme vous sentez que comme vous voyez. » Il fallut plusieurs années avant que le terme « impression » n’apparaisse dans la critique française en relation avec Monet et Renoir. Malgré les encouragements de son frère, Paul resta fidèle à la tradition qu’il avait apprise comme élève d’Ingres et continua de peindre des paysages historiques.
En 1860, Flandrin confia qu’il avait déjà refusé 150 commandes ; après avoir achevé un portrait en pied de l’empereur Napoleon III il disposait d'encore moins de temps libre.
travaux inachevés (1864)
Outre une seconde présence à une vendredi-soirée le 27 avril 1860 (où il échappa le caricaturiste Eugène Giraud11 qui représentait probablement le général Bougenel78) il fut invité aux fêtes annuelles de l’empereur à Compiègne en décembre.
L’accumulation des travaux affaiblit davantage sa santé, et en 1863 il chercha à sa bien-aimée Rome un répit pour ses étourdissements, ses rhumatismes et sa vue déclinante. Il se réjouit de la rencontre, le 6 décembre 1863, avec le Souverain Pontife au Vatican; une commande pour un portrait du pape Pie IX paraissait imminente.
Passionné de musique, il rendit visite à Liszt50b à Rome et écrivit à son frère le 17 février 1864 : « Litz [sic] a été très gentil avec nous et a joué de la musique pour nous, ce qui est maintenant (semble-t-il) très rare. Il était prodigieux. »
Deux semaines plus tard, sa femme contracta la variole ; Hippolyte évita d’abord la contagion, mais succomba à la maladie à la mi-mars et mourut le 21 mars à l’âge de cinquante-cinq ans. Outre ses peintures murales religieuses, il a réalisé plus de quatre-vingt-dix portraits. Le dessin de son plus jeune fils, Paul-Hippolyte, resta inachevé.
