Joseph Isidore Samson (1793 – 1871), acteur, professeur, dramaturge

1re image: Soirée; 2e: par Villeneuve (1853); 3e: litho Aubert (1820); 4e: anon. (c.1830); 5e: par Carjat (1860). Images 2 & 4 inversées pour corriger la position de son lipome cutané.

L’acteur, professeur et dramaturge Joseph Isidore Samson est représenté en face de son ami et collègue Régnier77, discutant peut-être des actualités théâtrales lors de leur visite à la vendredi-soirée de de Nieuwerkerke16 en mars 1852. Il peut s’agir des immenses succès de Samson et Régnier dans Mademoiselle de la Seiglière (de Jules Sandeau et Régnier) à partir du 4 novembre 1851 (avec des intermèdes du compositeur Offenbach), ou de la première du 19 février de Diane d’Augier53, avec Rachel81 et Régnier.

Samson, qui commença sa carrière à Rouen, entra à l’Odéon de Paris en 1819 puis à la Comédie-Française (Théâtre-Français) en 1826, jouant souvent deux rôles au cours d’une même soirée pour assurer son revenu. Il fut nommé professeur de drame et de déclamation au Conservatoire en 1829. En l’année révolutionnaire de 1830, la Comédie-Française, contrôlée par le gouvernement et menacée de suspension, ne lui assurait pas des ressources suffisantes, si bien qu’il se rendit au théâtre commercial du Palais-Royal. La monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe considérait toutefois le Théâtre-Français comme essentiel à l’éducation et au divertissement du public, et la cour ordonna à Samson de respecter son contrat.

Samson dans la comédie Le Philtre Champenois
caricature par Lhéritier (1831)

L’écrivain et journaliste Eugène de Mirecourt fit l’éloge du jeu de Samson :
« Sérieux et comique tour à tour, il a dans son talent mille nuances délicates, mille ressources cachées ; toutes les combinaisons de l'art lui sont connues. Il s'identifie avec le personnage et fond en quelque sorte son âme dans ses rôles, pour donner plus sûrement à un caractère le cachet de la vérité, le prestige du beau, la force de la nature. »

Les fonctions de Samson comme acteur, comme dirigeant de l’Association des artistes dramatiques (fondée par le puissant baron Taylor, son ami et protecteur de toujours depuis leur pension à Belleville), et comme professeur au Conservatoire firent de lui un point de convergence pour les étudiantes aspirant au monde théâtral. À l’époque, la seule loi autorisant une éducation secondaire pour les filles date d’octobre 1815 et permettait l’admission, pour les deux sexes, à l’école du Théâtre-Français.

Samson devint célèbre comme le révélateur de Mademoiselle Rachel Félix81. Dans ses Mémoires (1888) il rapporte que l’un de ses élèves (Rey, en 1834) lui fit découvrir une jeune actrice (âgée de quatorze ans) dans un obscur théâtre de la rue Saint-Martin et qu’il fut stupéfait par sa prestation. Il se proposa de lui donner des leçons particulières gratuitement. En février 1838, il organisa l’entrée de sa disciple à la Comédie-Française et se régala de l’enseigner. Il écrit : «Je ne les oublierai jamais [les magnifiques soirées], non plus que ces  matinées consacrées à l'enseignement dramatique  de ma merveilleuse écolière. Je les compte parmi  les plus belles heures de ma vie. »

Lorsque le roi assista, le 27 octobre 1838, à une représentation de Cinna (de Corneille) interprété par Rachel au Théâtre-Français, il avait prévu de partir mais demanda au directeur Védel : « N’est-ce pas une pièce de M. Samson que vous allez représenter ensuite ? » « Si, Sire, » répondit Védel. « Eh bien ! Puisque l’élève m’a tant plu, je resterai pour voir la comédie du maître. » La pièce suivante de Samson put alors le décevoir.

Malgré de fréquentes querelles, Rachel continua de s’en remettre à Samson pour l’aider à comprendre et jouer ses rôles ; les rares pièces qu’elle répéta sans son concours furent des échecs. Cette proximité rend vraisemblable la présence de Samson aux soirées du vendredi de Rachel.

Leur relation professionnelle étroite prit fin en 1853, lorsque Rachel refusa de jouer au bénéfice de Samson ; ses rôles furent alors confiés à l’élève favorite de Samson, Sylvanie Plessy, revenue de Russie pour l’occasion.
Au fil des années à la Comédie-Française, Samson forma des centaines d’élèves, principalement des jeunes femmes que la presse qualifiait souvent d’attirantes. Parmi les principales figurent Sylvanie Plessy (qu’il considérait comme membre de sa famille), Madeleine et Augustine Brohan, Stella Colas, Léocadie Doze, Nathalie Martel et Rose Chéri. Il a brièvement enseigné Sarah Bernhardt, sans toutefois l’inspirer.

Dès 1841, la presse (L’Indépendant) observa que la fonction de maître de Samson posait un conflit d’intérêts avec ses rôles de membre du comité de l’Association, de sociétaire (actionnaire agréé par le ministère de la Culture) et d’acteur à la Comédie-Française. Les critiques signalèrent une série de comédies médiocres —comme la déplorable La Belle-mère et le Gendre (1828)— qui semblaient mettre en valeur les capacités des élèves de Samson plutôt que les chefs-d’œuvre de Corneille ou de Racine.
On remarquait que des sociétaires chevronnés tels que Régnier se rangeaient souvent à l’avis de Samson. De la Boullaye de L’Independant préconisait de confier la formation d’une nouvelle génération d’artistes à des acteurs distingués retraités et suggérèrent à Samson d’abandonner cet office pour se consacrer au métier d’acteur. Il fallut attendre 1854 pour que Samson soit déchargé de sa chaire au Conservatoire et que Régnier lui succède. Samson poursuivit cependant l’enseignement privé pendant de nombreuses années et ne prit sa retraite officielle de la scène qu’en 1863.

Comme d'autres dans Une Soirée (tels que Auber56, Penguilly57, Duban60, et Morel-Fatio63), Samson fut affecté par la guerre de 1870. Il quitta Paris pour Blois au déclenchement du conflit (à l’instar de Duban) et revint en mars 1871 pour voir son fils, sa fille et ses petits-enfants. Il arriva après un voyage éprouvant, retardé pendant des heures par les troupes prussiennes et contraint de marcher le dernier tronçon dans le froid, pour trouver que la Commune de Paris venait d’être proclamée. Le froid et l’angoisse causés par la Commune réveillèrent en lui les horreurs de son enfance et de 1815, et aggravèrent son état de santé. Il mourut le 28 mars 1871.
Aucune de ses pièces n'a été jouée après 1860. Le seul souvenir durable de Samson est un chêne Le Samson dans la forêt de Fontainebleau, où son tronc (mort) subsiste encore aujourd'hui.

Le Samson (image : avec l'aimable autorisation d'Olivier Blaise)